Aux sombres héros de l'amer


54 degrés de latitude Sud,
à cheval (yihhaaaa ) sur les 50ièmes Hurlants (wooooahaaaaaaaaa), 
la tignasse aux vents, et dépassés les 40ièmes Rugissant (miaou) !!!

La preuve en image, sur le GPS de Silvio ("como Berlusconi, pero sin la plata, jajajajajaja" dixit himself):


La bourgade s'appelle Ushuaia, son idée de fin du monde transformée en marketing touristique et ses sources naturelles de gel douche, à 3 100 km de Buenos Aires par la route, et 12 500 de la Porte de Bagnolet par les airs. Planté au fin fonds de la "Tierra del Fuego", c'est la ville la plus australe du monde, quoique ça se discute et on ne se privera pas d'ouvrir le débat.

La Terre de Feu, qu'est-ce à dire?

Petit rappel géographique pour les feignasses du fonds de la classe: c'est un archipel divisé entre le Chili et l'Argentine, avec une île principale "Isla Grande", séparé du continent par le détroit de Magellan que j'ai modestement franchi (bip bip! C'est pas rien dans la vie d'un marin, surtout d'eau douce du dimanche de la saint Glin Glin)... et puis des dizaines et des centaines d'autres îles et îlots pour la plupart inhabités, et des cailloux et des rochers jusqu'au dernier d'entre eux, le Cap Horn, cimetière marin (tu flippes là hein?).


Pourquoi la Terre de Feu?

C'est pas qu'il fasse tellement chaud chaud ici... ben non, simplement lorsque Môssieur Magellan longe la côte au 16e siècle, quelle ne fut pas sa surprise de voir des myriades de feux allumés sur ces terres hostiles balayés par les vents et la pluie. Et pour cause, toc toc, c'est occupé, ah bon? Ben ouais, c'est nous les Yamanas, on est là depuis 7000 ans, on se caille les miches, on a ramassé un peu de bois, permettez-non? Ben pas longtemps alors... Quand le visage pâle reviendra s'intéresser à ce bout de terrain au XIXe siècle, il ne faudra pas plus 70 ans pour les voir quasiment tous disparaître victimes d'épidémies.

Le saviez-vous?

Et bah là moi ça m'a coupé la chique et claqué le beignet. J'ai un t-shirt technique, un t-shirt à manche longue, une polaire et un coupe-vent, j'ai aussi un pantalon évidemment et un caleçon long "technique" à ne pas confondre avec un collant svp, et j'ai froid. Lors du second voyage du HMS Beagle commandé par le Lieutenant Robert FitzRoy, Charles Darwin débarque en Terre de Feu en 1832 devant ce qu'il qualifiera "de forme d'humanité la plus primitive sur Terre": nez à nez avec des Yamanas nus comme des nouveaux nés !!! (allitération en "n", je l'ai piqué à Kool Shen, j'enchaîne).

Les Yamanas vivaient nus et pour résister au froid la recette est la suivante: on fait du feu, même dans les canoës, on s'enduit de graisse de phoque, on reste assis en boule pour réduire la surface en contact avec le froid. Evidemment, ils nageaient aussi pour aller chercher des mollusques. Les femmes uniquement, il me semble, les hommes eux se réchauffaient en s'attaquant aux lions de mers. J'ai fais un tour en bateau pour aller voir ces lions de mer (en visite de courtoisie, je bouffe au resto moi), on nous a fait savoir qu'un sportif très entraîné pourrait tenir 18 min dans cette eau et un quidam moyen pas plus de 5 min. Je vise un p'tit 6'30 en me gardant bien d'aller vérifier.


Pour revenir sur cette histoire sans fin de bout du monde, les argentins revendiquent Ushuaia (qui d'ailleurs de prononce "Oussouaia", pas de bol, pour une fois c'est pas un "sheu") en tant que ville (plus de 15 000 habitants). Il existe cependant un dernier village sur la magnifique île de Navarino, en face, de l'autre côté du canal de Beagle (ding! ding! Beagle le bateau). Il s'agit de Puerto Williams, des militaires Chiliens, quelques baraques et des poneys en liberté, le dernier port pour les bateaux en route pour le Cap Horn et l'Antarctique. Plus de 150 km de sentiers à travers des paysages sauvages où de subites tempêtes de neiges peuvent s'abattre en plein été. Malheureusement, en cette basse saison, il y a peu de liaison et le prix s'en ressent (300 dollars US pour 40 min de zodiac, on va peut être se calmer). Je m'arrêterai donc ici avant de remonter. C'est aussi près de Puerto Williams que l'on peut croiser "abuela" Cristina Calderon, 72 ans, probablement pas toutes ses dents mais avec des vêtements, la dernière Yamana à parler cette langue isolée qui disparaitra avec elle.


On m'a dit qu'il n'y avait pas grand chose à faire à Ushuaia mais je suis quand même resté 6 jours (bon j'ai raté un bus, j'avoue). Je trouve ça beau. Les montagnes, les couleurs, la baie, les oiseaux, les bateaux, les maisons. C'est une baie entourée de montagnes, le soleil est très bas toute la journée, il se lève longtemps et recouche lentement, les couleurs changent sans arrêts. Il n'y que les chiens errants qui commencent à me tanner. J'avais aussi envie de me poser en arrivant à cette fin du monde en début de tour du monde. C'est un peu comme dans une randonnée quand on va faire demi-tour, peu importe ou on est, on prend le temps s'arrêter, c'est pas un 100m de natation, toucher, roulade et pousse sur les jambes pour repartir.   


J'ai fais des photos, de la marche, du bateau, du submarino (un truc à boire), du musée et même de l'avion. Je me suis fais engrener par Lavinia  (si si c'est prénom) mais je la remercie. Un vol un peu chaloupé avec les vents tournoyant des sommets environnant mais un vol de plus mené à bonne fin pour l'aéropostale de Patagonie! ! Pour cette mission à 2000 pieds, j'ai fais confiance à Carlos alias "la stache la plus australe du monde", le sosie du Jack Dalton de Mc Gyver. Je suis un peu jaloux de ses bacchantes à vrai dire. 



Je me suis aussi enfilé mes derniers steackos argentins qui me font revoir le Mac Do de la Porte de Bagnolet à travers un vieux songe végétarien.

Je continue ma route demain, direction Punta Arenas, Chili, la ville la plus australe... du continent. Bizarrement, la ville est composée à 50% de descendants Croates (Rolih, un commentaire?)... Et deuxième passage du détroit de Magellan... pour un mec qui n'a jamais foutu les pieds sur un optimiste, ça commence à faire beaucoup et c'est pas fini...

Ah oui, si tu souhaites voir des photos de Buenos Aires, clic sur la boite à images curieux lecteur.

p.s.: je tiens à remercier tous ceux qui de près ou de loin (ça veut rien dire mais ça prend de la place dans un message de remerciements), collègues ou amis ont contribué à agrémenter mon voyage et mes souvenirs en me gratifiant d'un cadeau ou bonus euh enveloppe de départ. Pour l'enveloppe, elle est déjà repartie aux quatre coins de l'Argentine, pour ma tenue tropicale bling bling, je ne manque jamais l'occasion de l'enfiler, au moindre rayon de soleil comme ici sur le glacier au dessus d'Ushuaia: 


Un p'tit Perito Moreno on the rocks !

Bon, une petite vidéo pour briser la glace (uhuhuuhu)...


Je ferai un point route complet une fois arrivé à Ushuaia, pour l'instant votre capitaine est coincé à quais (de bus). Le satané autobus part à 3h du matin pour un changement à 8h30 à Rio Gallegos pour 12 h de trajet jusqu'au bout du monde. S'il n'y a pas de bus de nuit qui parte à une heure décente, c'est probablement parce qu'il faut passer deux fois la douanes chiliennes qui n'est ouverte que la journée, et on vide bien les sacs... Je file, je vais squatter une auberge (pour commencer la soirée) avec des jeunes gens que j'ai rencontré ces derniers jours, ça m'évitera de moisir trop longtemps dans une gare routière... Quand les petits seront couchés, je devrai me résigner à affronter la nuit noiiiiire et froiiiiide jusqu'à retrouver les feux de l'autobus, tel un phare au bord du détroit de Magellan !!!

Bon trajet matinal.

Ici fusée à tour de contrôle



Alpha tango pepe rangers, indiquez votre position !!!

Ici fusée à tour de contrôle
Les étoiles jouent leur rôle
De perles d'oubli au cœur d'un roi qui se languit
Et je ris très fort, j'ai très peur, je revis
Mais seul dans ma boite de conserve
Seul, je m'endors dans un monde fou
Et j'en oublie jusqu'à vous...






Gérard Palaprat, en reprise de Space Oddity si vous ne connaissez pas (sauf la première ligne qui serait plutôt à mettre au crédit de Gregory "Papy" Boyington).

Plus prosaïquement, ma boite de conserve, c'est un autobus et je traverse la localité de Puerto San Julian dans la Province de Santa Cruz, le premier lopin de terre argentin où un gringo posa ses espadrilles en 1520, un certain Magellan d'après les registres, le mec qui a inventé le tour du monde ! Respect "che" (le "che" argentin correspond au "dude" américain, et il valu son surnom à un célèbre révolutionnaire en campagne au Guatemala).

Il est exactement 4H03 du matin à ma rolex en plastoque, je roule plein pot dans la nuit étoilée de Patagonie, direction El Calafate, où je poserai le pied dans au moins 8h. El Calafte se situe exactement à 2900 km de Buenos Aires, à 900 km d'Ushuaia et il n'y a pas de RER.


Je me suis bourré de café à volo dans le bus, ce qui explique mon exceptionnelle insomnie, mais ne vous inquiétez pas, d'ordinaire je fais très bien mes nuits. Comme de coutume, je me suis mis à l'étage au premier rang en 16/9ième sur le défilé de carte postales (quand il fait jour évidemment), ne manque que Bombon el Perro à mes côtés. Je me contente d'un australien, au moins il ne bave pas.



Depuis Buenos Aires, j'en ai sifflé des kilomètres en bus... j'ai d'abord traversé la Pampa, alors j'entends Pampa par-ci Pampa par-là, il y en a même qui en font leur beurre en musique "como una Pampaaaaaa triiiiiiiiiiiste" (héhéhé, merci, merci ne l'encouragez pas). La pampa, qui signifie plaine en Quechua, est en Argentine la région centrale-ouest qui grosso merdo s'étend de Buenos Aires jusquà 1000 bornes plus bas. La pampa! La pampa! "Morne plaine, comme une onde qui bout dans une urne trop pleine". Ensuite, commence la Patagonie à proprement parler, qui peut se diviser entre Patagonie andine et Patagonie centrale et atlantique.

Je suis arrivé à Bariloche et sa région des lacs dans le nord de la Patagonie. Cette région est souvent comparée à la Suisse, ce qui n'est pas très exotique pour les européens, mais néanmoins très zolie. C'est l'été indien ici, les arbres ont pris des couleurs jaunes orangées, puis rouge un peu plus haut juste avant les sommets enneigés, c'est très chatoyant. A mon sens Bariloche vaut surtout pour la vue depuis le Cerro Campanario, un des plus beaux point de vue au monde selon le National Geographic, c'est vous dire si c'est beau.


Quelques jours de détente et de promenades avant de m'engager sur la route 40 mais celle-ci vient de fermer pour l'hiver (à 10 jours près j'étais bon). Cette mythique route parcours plus de 5000 km le long de la Cordillère des Andes du Sud au Nord de l'Argentine jusqu'à la frontière bolivienne. La moitié de la route est en terre et devient trop dangereuse aux premiers assauts de l'hiver (pas de service d'assistance et les portables ne passent pas sur beaucoup de sections). Un mythe de plus s'envole, snif.


Par Toutatis, je ne vais pas mettre les gaz au Sud Sud tout de suite, je vais descendre en rappel par une voie parallèle et faire quelques stops, voir le centre de la Patagonie, souvent délaissé des touristes.

J'ai renfilé mes santiagos, ajusté mon ponchon et sifflé mon cheval. Direction El Bolson... un bled haut lieu de hippismes dans les années 70, je parle de hippisme cheveux longs et casaques bariolées, pas les p'tits bonshommes sur des poneys drogués. Il y a 30 ans, la ville s'est déclarée "zone non-nucléaire" et "municipalité écologique". Si Nicolas Hulot s'était donné la peine de s'arrêter là, vous vous laveriez la tronche avec des shampoings El Bolson ! J'ai fais du VTT dans le froid le matin, et soleil pleine poire au retour, j'ai failli me mettre dans le rouge. Le rouge je l'ai retrouvé le soir même avec Luca, un Argentin qui parcours son pays pendant 2 mois le long de la fameuse route 40 (il a fait les portions fermées plus tôt, il remonte lui, il est malin lui). On a bien parlé pendant au moins deux bouteilles dans le salon d'une auberge qui ressemblait plus à une maison familiale, tenu par un Brésilien avec qui j'ai partagé mon premier maté. L'autre intérêt de la ville réside dans le marché d'artisanat, tous les chevelus descendent des montagnes pour vendre leurs cames (je parle de bibelots fait mains). L'atmosphère est plaisante.


Next stop: Esquel city


Porte d'entrée du parc de los Alerces... encore une fois, souvent oublié des touristes, particulièrement ce jour là, je n'ai croisé aucun bipède pendant 8h hormis quelques Rangers du Parcs, c'est d'ailleurs un employé du Parc qui m'a ramené en auto stop à la ville (50km, pas envie d'attendre 2h le bus, conduite sportive, virages à la corde). C'est vraiment la morte saison mais ça ajoute à l'isolement des paysages, c'est dans l'esprit. La météo aussi, je suis plutôt chanceux mais ça peut changer en 5 min Rolex en main, faut être prêt à aimer la Bretagne l'hiver, c'est puissant.

Je suis ensuite allé une journée à Trevelin, bourgade voisine, quelques âmes, qui vivent, je n'en sais rien. J'ai croisé plus de chevaux et de chiens errants, je n'ai trouvé qu'une station service pour déjeuner, si j'étais passé 10 ans plus tôt, j'aurais déjeuner au Bagdad Café. Des plaines jaunies entourés de sommets enneigés à l'Est et de collines sèches à l'Ouest. C'est une ancienne colonie Galloise. D'autres "grandes" villes comme Trelew et Puerto Madryn, chères à Saint Exupéry, doivent leur origines aux colons gallois qui ont longtemps su conserver des traditions fortes grâce à l'isolement de la région. Au début du siècle passé, le gouvernement argentin allouait des terres gratuitement aux colons (pas par charité Chrétienne, surtout pour foutre les Mapuches et les Tehuelches dehors, suite à la "conquête du désert").


Aujourd'hui, près d'Esquel, le plus grand propriétaire terrien d'Argentine s'appelle Benetton, possède l'équivalent d'un tiers de la Belgique et empêche les Mapuches de circuler librement. Unided colors of Benetton par-ci mais par là visiblement les Mapuches ne font pas partie du spectre chromatique de tonton Bene. D'après la légende Mapuche, Galvarino (non c'est pas une station de métro) s'est fait coupé les mains par les espagnols et a continué le combat en s'attachant des couteaux aux bras. A bon entendeur. Si Benetton fait un modèle de pull sans manche, ce sera le Galvarino en véritable laine de Patagonie.


Mon combat contre les degrés de latitude continue et pour l'instant je gagne la partie malgré les conditions météo qui seront de plus en plus défavorables (quid de la liaison bateau entre Ushuaia et Puerto Williams?).


Arrivé à Calafate, j'ai rejoins Jibé que j'avais rencontré à Bariloche, un parigot pas très menthe à l'eau, qui dispose de 5 mois pour un peu d'Amérique du Sud et une traversée du Canada de Vancouver à Québec. Un peu de réclame pour la "concurrence". Le garçon fait des films et j'admire parce que je ne sais pas faire:



De mon côté, j'envois des photos dans les meilleurs délais, c'est mieux que de longs discours (pfiouu, il m'a achevé celui-là...).

Bien à vous, hasta siempre.

p.s.: Domenech continue de m'emmerder au bout du monde. C'est le revers de la médaille en chocolat d'un monde de communication autour d'un homme qui en manque cruellement, aaaaah miiiisèèèèèèèèère !!!

Volveré y seré millones


Ouais je reviendrai à Buenos Aires dans 6 mois mais je ne serai probablement pas des millions... cette phrase je l'ai piqué à Eva Peron, elle l'aurait dit sur son lit de mort... je compte ne compte pas mourir non plus... alors diable pourquoi ??? 

Pas facile de raconter une grande ville, je vais pas vous faire le guide "
uuuuh la belle avenue, aaaannnh le jolie bâtiment du parlement"... l'anecdote se suffit à elle-même.