C-H-iiiiiii Leeeee, Chi Chi Chi, Le Le Le, Viva Chile !!!

C'est le cri des supporteurs, enfin, c'était... les pauvres ont pris la porte sur un air de Samba... dommage, ils sont aussi méconnus qu'ils sont sympas les Chiliens... Je pensais pas passer beaucoup de temps dans ce pays mais en quelques étapes je me suis un peu attardé. La première, je l'avais pas vu venir, c'est en parlant avec des voyageurs que j'ai décidé de m'arrêter à Pucon. C'est une station huppée de la région des lacs et des volcans. Alors bien sûr, j'ai pas fais 12000 bornes pour voir des poules à fourrures et des kékés 5 étoiles... non non, c'est aussi le point départ pour engager l'ascension du Villarica, le Rucapillán en langue Mapuche, aka la Maison du diable, woooooaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaaa....

C'est un des volcans les plus actifs du Chili dans une région qui en compte 25, on dit ici que c'est la bombe atomique du Chili... Et le petit est passablement énervé depuis le séisme qui s'est ressenti à plus de 8 sur l'échelle de Richton dans la ville de Pucon... il est plus actif que d'habitude.. la nuit, depuis Pucon on peut observer une lumière rouge incandescente plusieurs centaines de mètres au dessus du cratère... malheureusement, en dépit de tentatives répétées, mes moyens photographiques ne m'ont pas permis de saisir le phénomène.

L'ascension n'est pas difficile mais aléatoire: ça dépend de l'activité volcanique, de la neige sur le glacier, de la météo et notamment de la force et du sens du vent (pas recommandé de se prendre trop de fumées dans les narines)... ça met un peu de piquant de ne pas être sûr d'atteindre le cratère...

Bref on se présente au pied de la courte-paille à 7h30 et le guide nous annonce qu'on ne pourra probablement aller jusqu'en haut, la neige est déjà gelée au départ à 1400 mètres... la moitié décident de ne pas entamer l'ascension, et de retenter le lendemain... Jusqu'au 2/3, les guides n'y croyaient pas, le ciel est clair, presque pas de vent, mais la glace est trop dure, trop dangereux pour la descente.

... pourra, pourra pas, on a tous envie d'aller au bout et voir l'intérieur de la montagne...

Claudio, chef de cordée, 27 ans de maison du diable et 1759 ascensions au compteur, assisté de Miguel et Henrique alias  "Kike", décide de tenter notre chance plus à l'Est. Les autres guides sont sceptiques et attendent le Claude pour avoir son avis. Finalement, après 6 heures de montée et 1400 mètres de dénivelé, l'objectif est atteint. La descente est beaucoup plus relaxe, on en fait une bonne moitié en glissant sur les fesses (après le glacier évidemment)...

Trêve de mots rien ne vaut le choc des photos: clic ici curieux lecteur !

Elles sont fraîches mes photos!

Une valse à trois temps...


... qui s'offre encore le temps...



... de s'offrir des détours...



Et on clic sur le diaporama pour voir en plus grand... J'essaye de faire mes devoirs et de rattraper le temps perdu, j'aurais jamais du me laisser dépasser, j'ai trop de photos en retard mais je reviens du diable vauvert et je vais me faire une discipline.

Je vais pas trainer pour mettre la viande dans le torchon, j'ai une grosse journée demain: un duel quasi consanguin entre le Portugal et le Brésil au petit déjeuner, et une passe d'armes tout aussi délicate entre l'Espagne et la surprenante formation Chilienne à l'heure du gouter. Petite vidéo en direct de Santiago, Chili-Suisse, 10 heures du matin, réveil tonique lorsque Gonzales délivre son peuple pour enflammer les rues de la capitale toute la journée:

Trilogie de Patagonie crème glacée

J'espère que vous avez le temps parce que moi oui, vous comprendrez plus bas. 

Au passage, merci de remettre un bon coup de collet pour relancer cette belle idée de monnaie unique qui s'estompe aussi vite que mon budget sous les assauts répétés de financiers aux canines acérés. Je pense à tous ces travailleurs qui iront chercher les points de croissances avec les dents, merci de penser à ceux qui au delà de nos frontières, défendent une certaine idée de la France, et ce aussi longtemps qu'une monnaie forte leur permettra de le faire.

Ici bas dans l'hémisphère Sud, dans un monde sans dessus dessous, je vais m'autoriser à faire voler en éclats les conventions du récit et opérer un retour en arrière pour présenter d'une pierre trois coups quelques haut-lieux d'une beauté naturelle à faire palir Amanda Lear: le lit de glace du Perito Moreno, le sommet impossible du Fitz Roy et la fureur tranquille du Torres del Paine. En plus imagé encore, ça fais ça, un:





et deux:




et trois:




El Glaciar

Le Perito Moreno mérite bien une petite volée de chiffres: la bête fais 30 km de long, et 5 km de large, 75 mètres de haut au moment de se jeter dans le Lago Argentino. Impressionant mais il y a plus fort encore. Ce n'est qu'1,5% de la superficie du Campo de Hielo Patagonico Sur (champs de glace de Patagonie Sud) qui s'étend sur une longueur de 350 km et alimente 48 glaciers. 

Alors pourquoi tout ce foin autour du Perito Moreno ?! Simplement parce qu'il est facile d'accès et très beau. Alors on peut se balader dessus à pieds, devant en bateau, et puis en long en large et en travers depuis le promontoire lui faisant face. Sans changer de panorama durant une journée, j'ai quand même réussi à crâmer 7 pélicules de 36, c'est vous dire si c'est beau. A noter également que c'est un des rares glaciers au monde qui avancer, à raison de 2 mètres par jour. Théoriquement, parce que ça se fait dans la douleur: quotidiennement, d'énoooooormes glaçons se détachent de la falaise dans un grondement sourd, pour s'abattre dans le lac au plus grand plaisir frissonant du spectateur de la nature planqué derrière l'écran LCD de son appareil photo.

Le petit plaisir, ce fut d'arriver au petit matin vers 11H. Le soleil s'extirpe lentement de derrière la montagne faisant face au glacier. On peut ainsi voir la ligne d'ombre progresser jusqu'au bord de la falaise par le haut et laisser découvrir lentement toutes les nuances de bleus de la paroi glacée. Démonstration:



Fitz Roy

200 km au Nord d'El Calafate, par la mythique route 40, on atteind la localité d'El chalten. C'est un cul de sac puisque la route est ensuite fermée, mais un joli. La "ville" est la plus jeune d'Argentine, fondée en 1985 pour damner le pion aux Chiliens sur le tracé de la frontière. Elle est lovée au pied du Fitz Roy, connu pour être un des sommets les plus difficiles au monde. Seuls quelques grimpeurs chevronnés réussissent à le vaincre chaque année. C'est pas un géant, 3400 mètres "seulement". En s'approchant de la pointe sud du continent, la cordillère perd de la hauteur mais c'est surtout la météo et la verticalité du sommet qui en fait une épreuve redoutable. A cette latitude, il y a très peu de terres pour stopper les vents qui tournent autour du globe. Les dépressions du Pacifique viennent taper pleine balle dans la cordillère au raz de l'Océan. Dans la vallée du río Eléctrico, au Nord du massif, le vent peut être de 100 km/h tout au long de la journée, avec des rafales à 180 km/h. Il faut une longue et difficile marche pour rallier le point de départ de l'ascension, et on peut retourner le problème dans tous les sens, il faut se farcir un mur de roche granitique très dense d'environ 1000 mètres pour espérer atteindre le sommet. Pour résumer la situation, je cite Lionel Terray qui a conquis le somment principal en 1952 avec un pote Italien: « De toutes mes ascensions, la conquête du Fitz Roy est celle où j'ai le plus approché des limites de ma force et de mon courage. Le mauvais temps qui règne presque en permanence, le verglas qui tapisse la partie supérieure de la montagne et surtout les grands vents qui font peser sur les grimpeurs une menace mortelle, rendent l'escalade beaucoup plus complexe, hasardeuse et épuisante que celle des plus difficiles parois alpines. » Au passage, si vous voulez un bon article sur l'alpinisme, c'est .

Depuis un bon mois que j'ai quitté notre présipauté, je marche sérieusement une fois tous les trois jours. De là à verser dans l'andinisme (si si on dit comme ça ici), restons bien tranquille. Je vais donc m'en tenir à mon crédo et profiter des sentiers autour sur 2 jours. Après tout, El Chalten se défini comme la capitale argentine du trekking. Comme plusieurs fois depuis mon départ j'ai été gâté sur la météo, le premier jour en tout cas. Un temps très dégagé autour du Fitz Roy, ce qui est rarissime. Charmante promenade avec quelques concitoyens qui sont légions en Patagonie. Le 2ième jour sera d'un autre acabit. Ciel bas et no visibility sur le Cerro Torres. Un peu faché quand même, je vois juste le bout du glacier mourrir dans le Lago Torres alors que j'ai crapahuté à travers des paysages désolés pour en arriver là. J'ai notamment traverser seul comme une âme en plaine un désert d'arbres morts exposés à tous les vents. Avec ma petite capuche, je me suis cru Monsieur Frodon en route pour le Mordor: 



Le Fitz Roy est entouré de sommets secondaires aux noms aussi évocateurs que Saint Exupéry, Guillaumet et Mermoz. Encore une fois, on nous rebat les oreilles avec Saint Ex, mais c'est Mermoz le véritable héros de l'aéropostale en Amérique du Sud. C'est lui qui mit en place le pont aérien entre Buenos Aires et Santiago, permettant au Chili de sortir de son isolement. Le lycée français de Buenos Aires porte son nom et une artère de Santiago a été baptisée en son honneur. Quant à Guillaumet, c'est un type discret au milieu de grandes gueules mais il ne donne pas sa part d'héroïsme au chien. En Juin 1930, alors qu'il survole la Cordillère des Andes, son avion s'abime sur la Laguna Diamante à cause du mauvais temps. Dès qu'il apprend la nouvelle, Saint Exupéry décolle et part à la recherche de son ami, en vain. Plusieur fois tenté de se laisser mourir, le bonhomme sauvera sa peau tout seul en marchant 5 jours et 4 nuits, franchissant 3 cols, avec pour seul équipement contre le froid hivernal, son blouson de pilote. Les villageois qui le recueillent diront simplement "es impossible". Lui dira à Saint Exupéry "Je te jure que ce que j'ai fais aucune bête ne l'aurait fait". C'était la 92ième traversée des Andes pour Henri Guillaumet, pas rancunier, il la franchira 193 fois. 

Torres del Paine

Le parc Torres del Paine est au patrimoine de l'Unesco, comme la ville du Havre me direz-vous, mais rien à voir. C'est un concentré de ce qui se fait de mieux en Patagonie: sommets abruptes et enneigés, glaciers, lacs émeraudes, ruisseaux, rivières, et steppes jaunies. Le tout enveloppé d'une lumière d'automne qui se faufile entre les nuages. 

Le meilleur moyen d'explorer les 200 000 hectares du parc, c'est de marcher, chacun son aventure:





Jour 1

Départ à 7h30 de Puerto Natales, arrivé au poste d'administration du Parc à 11H, quelques 110 kilomètres plus loin. On se traine on dirait, mais la route d'accès est une piste en terre, partiellement défoncée sur certains secteurs. Comme d'hab, il y a le lever de soleil vers 8h30. Que ce soit le lever ou le coucher, et je l'ai testé du Nord au Sud de la Patagonie, le ciel est rougeoyant du côté de l'astre, qui renvoit des reflets roses et mauves à l'opposé. C'est bien beau. 

La première étape est un tronçon de 5h pour rallier le Refugio Paine au bord du Lago Pehoe. Je démarre avec un couple d'Australiens et deux compères Coréens qui apprendront en fin de journée que je ne suis ni Argentin ni Chilien. Le chemin longe le Rio Grey à travers une plaine où paissent quelques chevaux en libertés. La météo se dresse contre nous et rend la progression difficile: vent de face avec pluie puis grêle. Sur les 3 premières heures, pas un arbre ou un semblant de bosquet pour s'abriter, il faut continuer d'avancer. Les Coréens (Charly et Ricky "like Ricky Martin" me dira-t-il) se trainent. J'apprendrai plus tard que ces tarés comptent camper, portent 25 kilos (je devais être à 10 max), dont 2 bouteilles de vin et au moins 6 grandes canettes de bière. Arrivé au refuge, ils cuisineront du porc sauté avec du riz aux épices. C'est comme si je me trimbalais en méga-randonnée avec de quoi lancer un pot-aux-feu !!!

Après ces quelques heures difficiles, arrivée au Lago Pehoe, le Cerro Paine Grande sort la tête des nuages, le refuge est bientôt en vue, le froid, la pluie et la grêle, tout peut s'oublier devant ça: 




Le refuge est spacieux et à notre arrivée, seule une anglaise grelote devant le poele. J'ai un dortoir pour moi tout seul mais avec le recul, je ne sais pas si c'était pour le meilleur. Le confort est sommaire. Hormi le poele dans la pièce principale, il n'y a pas de chauffage, pas d'eau chaude et l'electricité uniquement de 18h30 à 22h. Dehors, la nuit il fait -3/-4 d'après le gardien du refuge (qui lui aussi m'a pris pour un Chilien!!?), plus le vent qui ne s'arrête jamais. J'ai une pensée pour mes Coréens qui mourront peut être le ventre bien rempli. Plus tard, ceux qui auront essayé la tente et le refuge me diront que la température est à peu près identique dans les deux. En me reveillant toutes les 2 heures pour rempiler des couches de vêtements, j'ai fini à 4 heures du matin avec toutes mes sapes, bonnets et écharpes compris. A cette heure là il faut encore tenir 4 heures avant de voir le soleil poindre. Bien en boule dans le sac de couchage, je suis reparti pour une sieste.

Jour 2 

Précision: il y a 2 immenses vitres dans la chambre qui n'aident pas à maintenir la température. En revanche, pour voir le soleil se lever sur le lac comme au premier matin du monde, ça fait très bien l'affaire. Il y a des nuages et du vent, mais comme toujours. Je pense que la journée va être belle et je pars la fleur au fusil à 9H comme en 14. Sur le papier j'ai 9h de marche pour rallier le second refuge, le soleil se couche à 18H,  9 et 9 font 18, donc pas le temps de trainasser. Les autres complices misent sur des balades avec retour au même refuge. Je suis donc obligé de m'engager seul pour le jour le plus long (25km sur les 60 du total). Très vite la météo tourne et le vent devient plus fort. Il faut anticiper les rafales qui se signalent à des centaines de mètres dans la vallée en faisant gueuler toute la végétation sur leurs passages. J'ai failli me biner une ou deux fois sur le côté du chemin à cause du vent, faut dire que mon sac ne m'aide pas. Soyons clair de suite, je n'aurais pas beaucoup de photos de ce jour là, mais voici comment on peut saisir le vent:


Il y a plusieurs campements et refuges intermédiaires sur le parcours mais en cette saison, seuls deux restent ouverts. A 11h, je passe au Campamiento Italiano, personne. Je suis plutot en avance. J'en profite pour remonter un peu la rivière et voir le glacier. Après quelques centaines de mètres, j'aperçois le bas de la coulée mais le ciel est bouché, autant faire demi-tour et reprendre ma route, il me reste 7h de marche et la pluie commence à tomber définitivement. Très vite, c'est le déluge, je longe le Lago Nordenskjold (oui oui on est bien Chili, je suis pas défoncé) à travers une alternance de forêts et de végétations basses qui viennent s'essuyer les branches sur mon pantalon d'une manière très désagréable. J'arrive au Refugio de los Cuernos un peu avant 13H trempé comme un jeune castor. Il est censé être fermé mais j'aperçois quatre types à l'intérieur autour d'un poele, petit moment de répis. Le truc est en travaux et tous les quatre portent des santiagos aux pieds. Je me demande qui sont ces hurluberlus, est ce qu'ils sont là pour bricoler ou pour tourner un western carbonara. Il me disent qu'ils se dirigent à cheval vers le même refuge que moi. Dans mon arrivée en catastrophe, je n'avais pas vu les bourrins qui sont garés de l'autre côté du refuge. Ces types sont des gauchos. Rien à voir avec nos gauchos qui cuisinent des merguez revendicatives Place de la République. Le "ga-otcho" est le cow-boy d'Amérique du Sud.

Je m'arrête pas plus de 20 min, le temps de grignoter un morceau. Je suis trempé et j'aurais très froid en repartant si je reste trop longtemps. J'ai tenu la journée grâce à mon pot belge: fruit sec à portée de main et 1/3 de Gatorade, 2/3 d'eau de ruisseaux. Je repars à 13H, sur le papier il me reste 4h de marche, j'en ai déjà gagné une sur la matinée. C'est avant 14h que j'aurais les deux moments valables de cette journée: la deuxième partie de parcours est un enchainement de collinettes en bordure de lac (toujours le même, il fait 17 km de long), montée à 200/250 mètres, puis descente et ainsi de suite... Je marche comme un âne... dans la 2ième ou 3ième montée, tête baissée sur mes godasses, bonnet et capuche sur la tête, sans savoir pourquoi je lève les yeux, et là, gigantesque à moins de 50 mètres au dessus de ma tête, 13h36, le condor passa, les ailes déployés face au vent. Il était tellement près que je l'ai vu se rapprocher et j'ai eu un doute stupide. Mais non, il saisi un autre vent, vire à gauche et disparait. Il m'a bien surpris ce plaisantin.

Quelques minutes plus tard, les gauchos se pointent au petit trot, la classe internationale, santiagos dans l'étrier, poncho sur le dos, et chapeaux sur des tronches de mercenaires. C'est un beau moment mais difficile à vivre à pieds habillé en Quechua. 

45 min après mon départ du refuge, le ciel continue de me tomber sur la tête mais cette fois-ci la pluie se transforme en neige. Au début, je me sens mieux, c'est plus froid mais moins humide, donc un petit gain en terme de ressenti. Au bout de 30 min, coup de pression, la neige commence à tenir. Outre la blessure, ma seul hantise en marchant seul est de perdre le chemin. Les cailloux sont glissant, j'y vais donc piano dans les descentes, il vaut mieux terminer à la lampe torche que de se vriller une canne. Foutu pour foutu, je passe les ruisseaux sans prendre la peine de marcher sur les rochers. Je crois que l'eau froide est bonne pour la peau, mes pieds me remercieront plus tard. Les cow boys ont transformé le chemin déjà limite par endroit en véritable champs de patate mais au moins, suivre les traces de sabots est rassurant. Comme dans chaque marche, la dernière heure compte comme deux. Je franchi une collinette, puis une autre, puis encore une autre, en pensant que c'est à chaque fois la dernière. A 300 mètres devant, je vois un paneau, je m'approche: refuge 3 km. Enfer et damnation, moi qui me croyais à 20 min. Tant pis, on se ressaisit, à bon allure c'est 45 min... je trotte, je trotte, je trotte... Encore une petite montée en haut de laquelle, à découvert, et pour la énième fois de la journée, je me fais arracher par le vent la protection de pluie de mon sac, mais enfin, j'aperçois le refuge comme un bateau dans la tempête et ce mot refuge prend tout son sens !!! Aaaaaaaaaah j'ai mal aux pieds mais je descend la dernière pente à tombeau ouvert, le refuge disparait deux fois, réapparait, dernier pont au dessus d'une rivière, dernier virage, PNC aux portes... 

De refuge, c'est un véritable hotel qui officie également en tant que refuge lorsque la plupart des autres sont fermés. Je pensais qu'ils allaient me coller à un bâtiment annexe, à l'écurie par exemple, meuh non, ils cassent les prix pour une vraie chambre avec du chauffage, il faut juste amener sa literie (Quechua encore une fois). Après tous les dortoirs et le refuge de la nuit précédente, me voilà dans une coquette chambre d'une charmante hotellerie de montagne. Et par Saint Christophe, si le Ciel se fâche, il sait être juste envers ses pélerins, en ouvrant la porte devant moi une baignoire me tend les bras, pareil à une vasque prête à se remplir d'eau bénite !!! Et plouf... comme Colt Seavers après un bon épisode. 


Niveau chrono, je peux remercier mes petites pattes d'avoir tournées comme des chenilles. Je suis arrivé à 16h. Mes australiens feront le même chemin le lendemain par temps clair, en partant à la même heure, ils arriveront à 18H30 après la tombée de la nuit.

J'aurais perdu beaucoup des paysages pendant cette journée, mais je ne regrette pas, ce fut une sacrée expérience. Hormi un coup de stress quand la neige a tenu et...  bon aussi avec le condor, mais ça reste entre nous, j'ai tenu le cap sans paniquer ni perdre le moral. Droit dans  mes bottes. Bon point.

Jour 3

C'est presque une promenade de santé, le ciel est radieux mais le chemin est couvert de neige et de glace. J'ai appris à me méfier de ces lendemains qui chantent et je garde un oeil et le bon sur la couleur du ciel. Le but de l'expédition est de s'enfoncer dans la vallée Ascensio pour s'approcher au plus près des fameuses Torres del Paine, trois piliers de granite, emblèmes du Parc. Ca commence par une rude ascencion et les jambes sont dures. Le sac est censé être plus léger (j'ai mangé quelques kilos!) mais j'ai l'impression qu'on y a planqué des cailloux pendant mon sommeil, je paye mes efforts de la veille. Après la première ascension, le chemin est étroit, enneigé et verglassé, à flanc de pente raidasse avec un rio 100 mètres plus bas. Je me dis immédiatement que si la météo tourne, ce passage est très dangereux. Je décide que si le vent se lève et le ciel s'assombrit, je fais un replis à toute berzingue pour pas me faire piéger, heureusement ce ne sera pas nécessaire. Au bout de 2h, arrivée au Refugio Chileno, pas un chat. La suite est easy, on longe la rivière, ça monte et ça descend un peu, ça serpente dans la forêt. La grosse difficulté est de rester sur ses deux pieds en choisissant la neige et pas les plaques de verglas. Arrive enfin la vraie difficulté du jour, la dernière ascension vers les tours. Le panneau indique 45 min, ça doit être en été parce que je mettrai une heure. Avant d'attaquer j'ai croisé 2 couples qui revenaient, le chemin est donc tracé dans la neige, merci les gars parce que sur la dernière partie j'ai de la neige jusqu'à mi-mollet. Arrivée en haut la vue sur les tours est spectaculaire. Il fait malheureusement trop froid, et je dois faire demi tour au bout de 15 min après une légère collation. Retour sans histoire, j'ai le temps de dérouler et faire quelques photos avant le bus...

Mais pourquoi est-il aussi long????!!! Paaaaarce queeeeeee!!!!

C'est fini la Patagonie et une sortie ça se soigne, je prend la voie royale: embarquement immédiat sur le ferry qui m'emmène de Puerto Natales - Région XII Magellan et Antarctique Chilienne - jusqu'à Puerto Montt à plus de 1000 km au Nord, à travers les canaux de Patagonie.

Je suis donc sur un bateauôôôôôôôôô, 3 jours et 4 nuits. 





Pour mettre un peu de poésie dans ce monde de nerveux, mon bateau c'est l'Evangelistas et il a levé l'ancre depuis el Seno Ultima Esperanza, la baie de la dernière Espérance. Soupir.

Bon ok ok,  je sens qu'il est temps de faire un point route avec vison fluté:


Afficher La grande boucle sur une carte plus grande


Petit soucis, gloogloo maps ne gère pas du tout les tracés de route en Terre de Feu. Je me suis contenté de piquer les villes ou j'ai vandalisé quelques abris-bus. Pour les routes maritimes à travers les canaux de Patagonie, traces toi-même le parcours à l'aide d'un crayon de bois sur ton écran d'ordinateur. Si tu galère autant que dans ton journal de Mickey, la réponse se trouve ici!

C'est pas la foule, on doit être 25 passagers dont une dizaine de routiers et une quinzaine de molchilleros (molchilla = sac à dos). J'en connais déjà la moitié que j'ai rencontré de-ci de-là au long de mon voyage. Rencontrer beaucoup de gens veut aussi dire s'en séparer aussi souvent, c'est donc agréable de se retrouver pour une "croisière s'amuse" emmenée par le Capitaine Flores (à sa santé!). On papote, on joue aux cartes, on mate des films et on oubli pas de regarder le paysage quand c'est possible. Je partage ma cabine avec 2 suisses bon bougres rencontré la veille du départ à mon hospedaje (auberge). Je les retrouverai probablement à Santiago pour un explosif Suisse-Chili le 21 juin. 

Le bateau dispose d'un bar mais on est libre d'amener nos propres sodas, c'est chose faite. Le souvenir de 54 est bien trop vif, hors de question de se retrouver à cours de munitions au troisième jour comme dans la cuvette de Dien Bien Phu. Le risque c'est aussi que la pétoire s'enraye. Outre les canaux de Patagonie qui s'apparentent à des fyords, il y a 12 heures de trajet entièrement à découvert, en pleine mer. Le capitaine nous a promis que ça balancerait un peu, pas faux. La mer ne paraît pas démontée pourtant le bateau subit. C'est nettement moins la fête et beaucoup regagnent leurs cabines, bibi y compris. Je trouve mon salut sur ma couchette, comme un petit jésus bercé par la houle du Pacifique Sud. La bataille a commencé juste au moment du déjeuner, et je lutte un peu pour conserver tout le bénéfice d'une bonne digestion. Je pense à tous ces hommes courageux qui ont traversé l'océan pour que nous puissions manger de la morue le dimanche et tous les autres jours de la semaine aussi... Honoruuum Pater Bacalauuum !!! Aaaah je divaaaaague (<= ici ce cache à l'eau un jeu de mot marin) !!! 

Blague à part on a quand même pris quelques bonnes vagues. Au dîner, une déferlante nous a tabassé à bâbord, bien penché, les tables se sont soulevées et chevauchées, le Clos de Pirque cuvée millésimée en tretrapak de 2L s'est répandu comme du sang et j'ai failli prendre les bolognaises sur la cravate !!! Les deux de la table voisine ont eu de moins bons appuis, résultat: table, chaises et les deux culs par terre !!! 

Avant de partir, un petit peu de réclame. Rencontré à Ushuaia, un autre point de vue sur la Patagonie: bien écrit comme on aime, concis mais descriptif, photos, tout y est: 



Merci bonsoir, la Patagonie c'est fini. Et quelle meilleure conclusion que la page liminaire d'une histoire d'aviateurs de qui vous savez pour vous donner envie d'explorer ces terres de vos yeux propres: 

"Les collines, sous l'avion, creusaient déjà leur sillages d'ombre dans l'or du soir. Les plaines devenaient lumineuses mais d'une inusable lumière: dans ce pays elles n'en finissent pas de rendre leur or de même qu'après l'hiver, elles n'en finissent pas de rendre leur neige. 

Et le pilote Fabien, qui ramenait de l'extrême Sud, vers Buenos Aires, le courrier de Patagonie, reconnaissait l'approche du soir aux mêmes signes que les eaux d'un port: à ce calme, à ces rides légères qu'à peine dessinaient de tranquilles nuages. Il entrait dans une rade immense et bienheureuse. 

Il eût pu croire aussi, dans ce calme, faire une lente promenade, presque comme un berger. Les bergers de Patagonie vont, sans se presser, d'un troupeau à l'autre: il allait d'une ville à l'autre, il était le berger des petites villes. Toutes les deux heures, il en rencontrait qui venaient boire au bord des fleuves ou qui broutaient leur plaine. 

Quelquefois, après cent kilomètres de steppes plus inhabitées que la mer, il croisait une ferme perdue, et qui semblait emporter en arrière, dans une houle de prairie, sa charge de vies humaines, alors il saluait des ailes ce navire."