Boooonjour, et bonne année (ouais en Février, et alors? Quelqu'un va porter plainte?), et pis la bonne santé surtout !
La santé ça va, après cette excursion en altitude, décrassage, je me décide pour une mise au vert plutôt intense dans la "selva", c'est à dire la jungle, toujours en Bolivie, ce qui reste moins cher que dans n'importe quelle autre pays se targuant (jeu de mot très moyen) d'abriter un bout d'Amazonie. Contrairement à ce que pourraient croire certains mauvais élèves piètres géographes, le début du bassin Amazonien n'est pas très éloigné de La Paz, il suffit de dévaler les Andes plein Est, en reprenant la route de la mort (flipeeeette!), un peu plus loin que les 60 km que j'avais fait en vélo dans un style tout en souplesse, est-il nécessaire de le rappeler. Qui dit route de la mort, dit chauffard de bus de la mort, un espèce de Charles Bronson Bolivien aux manières routières viriles et pas toujours correctes, débardeur plus ou moins blanc, mains dégueulasses, aisselles grasses. Quand il a faim, il s'arrête et quand il a fini de manger, il redémarre avec un coup de klaxon. Quoi que vous soyez en train de faire, c'est le moment où il faut courir vers le bus reprendre sa place, parce Charles a une mission, conduire le bus, et ça n'attend pas.
Image forte (le lecteur reste en alerte)
p.s: ceci n'est pas un jouet, c'est une tarentule. Sa couleur noire vous indique qu'en cas de morsure, vous avez environ 3 heures pour mettre de l'ordre dans votre vie et organiser un pot de départ ou bien courir vers le CHU. Pour notre guide, la bête est dangereuse mais il s'agit d'une "mort lente", ce qui est un point de vue admirable d'optimisme sachant que nous croisons l'animal à 6h de marche du premier camp, plus 3h de pirogue du premier village.
Il y a environ 400km jusqu'à Rurrenabaque, soit un coup d'autoroute avec pause déjeuner roulés de jambons à la macédoine petit pois frites à l'Arche, un p'tit pipi et hop ! Pas vraiment, c'est 20 heures de bus sur une piste en terre et en trous avec de splendides précipices que la société de transport vous offre de voir d'aussi près que possible. Comme Charles Bronson n'a pas fait réviser les amortos depuis la dernière fois qu'il a sourit (en 63 sur une blague de Roger Gicquel), il ne faut pas espérer dormir plus de 9 secondes d'affilées. A chaque trou dans la route pris à fond de 3ième, j'ai les fesses qui décollent du siège dans un style sans souplesse. Le bon côté des choses, c'est qu'on arrivera en 16h seulement, ce qui est formidable pour débarquer au village à 5h du mat' juste avant l'heure de pointe. Je te vois, anxieux lecteur, mais n'aie crainte!!! Quelques heures de sommeils et quelques rafraîchissements autour de la piscine permettront de remettre le facteur en selle.
Le problème de voyager seul, c'est de trouver des groupes de gens pour ce qui nécessite un guide, et se promener dans la jungle rentre dans cette catégorie. Pour sortir du traditionnel lodge/hamac avec sortie promenade de l'après midi, je suis contraint d'attendre quelques jours. Je fini par rencontrer quatre robustes Israéliens (l'Israélien parcours le monde en sortant du service militaire, ce qui est très bien pour marcher et porter des sacs) et traîner une Suisse-Allemande, je dis bien traîner ("Mais on va avoir suffisamment à manger, et ya des moustiques avec la malaria? Mais ouais mais non non t'inquiètes viens!").
Couple d'Israéliens lors d'un franchissement liane au poing
C'est parti pour 3h de pirogues et quatre jours dans la selva avec au programme: marche, marche, pêche, marche, pêche et marche.
Pause jeu
Dans la mosaïque ci-dessous, se cache un touriste, sauras-tu retrouver sa trace?
Huummm...
Heureusement parmi nous, il y a le meilleur d'entre nous, un homme pour qui cette nature n'est pas hostile mais bien au contraire, une nature nourricière et salvatrice. On y trouve de la nourriture, et pas que des termites à la saveur mentholée, dont votre capitaine s'est régalé les papilles le temps d'un instant. Il y a aussi tout ce qu'un bon pharmacien peut convoiter. On y trouve des fourmis capables de vous recoudre en cas de coupure et même une écorce spéciale IVG (en dernier recours hein, protégez-vous et contactez votre planning familiale en cas de doute.)
Tiens des photos, ça tombe comme une cerise sur le gâteau:
Môssieur José prend même le temps de bricoler un éventail pour notre Suisse-Allemande accablée, tantôt par la chaleur, tantôt par les blagues plus ou moins fines de notre jeune éclaireur...
... et un porte-gourde pour votre desséché serviteur dans ses traditionnels chaussures couleur "lilas" (le débat est ouvert)...
Comme vous pouvez le constatez, le couteau suisse local, c'est la machette colombienne, des gens qui ne plaisantent pas avec l'outillage de jardin...
Voilà que sur le coup de 11h, j'ai un petit creux, pas de problème, José m'invite à me bourrer le bec de feuille de cocas, qui je le rappelle pour les étourdis, est un excellent coupe-faim et permet de marcher des heures durant sans ressentir la fatigue, ou presque. Au-delà d'un certain effort, il convient de la transformer en cocaïne pure. C'est une boutade, ne faites pas ça chez vous. Sérieusement, beaucoup de paysans boliviens travaillent de 5h du mat' à 5h du soir en faisant seulement deux chiches* repas grâce à la feuille de coca. Ne faites pas ça chez vous non plus.
* Ici se cache un jeu de mots Andin.
J'ai pas l'habitude de bouffer de la salade, c'est pas pour bouffer des feuilles toute la journée, aussitôt arrivée au deuxième camp, on fait chauffer la marmite et on part pêcher...
... de quoi nourrir les troupes...
... en attendant les premiers visiteurs de la nuit (elle est pas méchante mais elle est pas jolie non plus)...
... dans notre camp de fortune...
Le t-shirt jaune c'est le mien, El Tigre de la Paz pour les érudits footballistes, pourrez pas dire que j'y étais pas... voilà, on travaille 5 ans dans une banque à La Défense pour dormir sous une bâche dans la jungle en Bolivie, et on est content.
Je vais pas vous mentir, je suis rentré à la Paz en avion. En 10 jours, je me suis fait un sommet à 6000 mètres et 4 jours dans la jungle, alors les 20h de bus avec l'autre fou ou les 45 min d'avion, je l'ai passé en conseil d'administration extraordinaire et ça été vite vu. A vrai dire, c'est un voyage intéressant en soi, c'est un petit avion à hélices qui décolle au milieu de la jungle, monte dans le ciel et se fait rattraper par les Andes, frôle des sommets enneigés et retombe à peine pour se poser à 4000 m d'altitude au dessus de la Paz.
"Alpha tango pepe ranger"
Week end au lac
Dernière étape bolivienne, et pour faire l'original, je pars en week end au lac Titicaca qui vaut bien Deauville. Direction Copacabana, l'original, toujours. Le quartier de Rio de Janeiro a été nommé ainsi après la construction d'une chapelle abritant une réplique de la vierge noire de Copacabana, paisible village bolivien au bord lac, et principal lieu de culte du pays, où se dresse une église également forte originale.
Le lac a une superficie d'environ 15 fois le lac Léman ce qui donne plus l'impression d'être face à la meeeeer, et à 3800m d'altitude, tellement c'est bleu, tellement c'est beau qu'on dirait la méditerranée. Le meilleur endroit pour l'apprécier, c'est probablement depuis l'Isla del Sol afin de prendre encore un peu plus de hauteur (les quelques 200 marches à gravir pour se hisser en haut de l'île avec mes 20 kilos de sac m'ont bien fait cracher mes "empanadas", but ich bin vaillant).
Le lago
Ici se cache un voilier, exerce ton oeil de puma!
Un peu d'histoire, ça fait longtemps, et pis si c'est pour voyager et raconter que des conneries, je le fais très bien à la maison.
Le lac Titicaca, c'est très important, pour la civilisation Tiwanaku déjà où à Tiahuanaco (attention j'interroge la semaine prochaine!), la cité du soleil, aux abords du lac, se dresse la célèbre Porte du Soleil. Les Tiwanakus se sont fait connaître dès 2000 avant J.C. et ont dominé une bonne partie des Andes Centrales jusque vers l'an 1000. Je ne vais pas m'étendre sur le sujet puisque je ne suis pas allé à Tiahuanaco, c'est seulement pour vous montrer qu'il n'y a pas que les Incas dans la vie. Mais puisque c'est bon pour l'audience, parlons de la civilisation Inca qui n'a pas existé plus de 300 ans mais a au moins eu le mérite d'établir un Empire plus vaste que n'importe quelle autre civilisation du coin et ce, en un temps record. Je crois qu'ils ont aussi eu le mérite d'être en place à l'arrivée des Conquistadors, bénéficiant ainsi d'une vision ethno-centrique de l'Histoire.
Le lac Titicaca et l'Isla del Sol sont au centre de la mythologie Inca. Il était une fois une vallée fertile où les hommes vivaient heureux. Les Apus, Esprits des montagnes, veillaient sur les êtres humains, ne leur interdisant qu'une chose: gravir le sommet des montagnes où brûlait le Feu Sacré.
le truc qui est interdit là-bas
Comme dans toutes les religions, l'Homme n'est pas bien malin, et le malin, lui n'est jamais bien loin. Le Diable, tout méchant comme il est, ne supportant pas de voir ces hommes vivrent en paix, s'ingénia à leur monter le bourrichon afin que ces pauvres hommes orgueilleux prouvent leur courage en gravissant les montagnes. Les Apus, Esprits vifs, surprirent les hommes en pleine faute, et furieux, leurs envoyèrent des hordes de pumas sortis des cavernes. En voyant les hommes se faire dévorer par les pumas, Inti, le Dieu du Soleil pleura pendant 40 jours et 40 nuits. Ses larmes inondèrent la vallée, d'où seul un homme et une femme se sauvèrent dans une barque en jonc. Quand le Soleil brilla de nouveau, ils étaient au milieu d'un lac immense, bleu et pur, dans les eaux flottaient les pumas noyés et transformés en statues de pierre. Le lac Titicaca tient son nom du rocher Titi Khar'ka, le "roc du puma", situé sur l'Isla del Sol.
Cet homme et cette femme ne sont autres que Manco Capac, le premier Inca, et Mama Ocllo, son épouse-soeur (ce qui n'est pas très Chrétien), les enfants du Dieu Soleil, Inti (ça en revanche laisser crever les autres et sauver son fils, c'est très Chrétien). Emporté par un nuage divin de couleur dorée, l'Inca et sa femme voyagèrent jusqu'à trouver l'endroit où la crosse sacrée de monsieur s'enfonça totalement dans le sol pour désigner le lieu où la terre serait suffisamment riche pour les accueillir. Ils s'arrêtèrent dans la vallée de la rivière Huatanay et fondèrent Cuzco, capitale de l'Empire, le "nombril du monde" en Quechua.
La lac aujourd'hui, c'est aussi l'occasion de manger la meilleure truite latina du continent (la fameuse "trucha tu ma"*).
* Deuxième jeu de mots polyglotte.
Le continent
... sous les étoiles...
... et le regard fasciné du baudet.
Matons toutes les photos:
La Bolivie, je vous la recommande chaudement, c'était bien mais c'est fini et depuis un moment. Je suis ensuite passé par le Perou et j'ai fais 3 mois en Equateur, mais ce sera pour une autre fois.
Je me promène sur place dans une chaise à bascule, quelques part en Colombie, à Mompos, un village perdu dans les rivières et les marécages, perdu dans le temps, et dans les romans de Gabriel Garcia Marquez, elle s'appelle Macondo. Il est 23h19, il fait 27 degrés, les moustiques m'accompagnent.
Bien à vous.