"Cela vaut un Potosi"... Cette expression de la langue de Cervantes, on la retrouve dans la bouche de son chasseur de moulin, Don Quichotte de la Mancha. En français, on dirait "c'est le Pérou", même origine. Et puisque Potosi fait la une des journaux, parlons-en. Au milieu du 16e siècle, on y découvre une colossale mine d'argent au coeur du Cerro Rico qui en fera la ville la peuplée au monde, où l'on se permet de construire 80 églises à 4000 mètres d'altitudes. On dit que la quantité du précieux métal était telle, que l'on aurait pu construire un pont d'argent au dessus de l'Atlantique pour relier Potosi à Madrid. En réalité, l'argent extrait de cette seule montagne, en quelques décennies, était simplement supérieure à tout l'argent circulant en Europe à la même époque. Ça fait un joli petit pacson pour le patron de la maison d'Espagne... teuteuteu... Stéphane Bern vous dira que cette dernière a tout balancé en faste et Colbert vous dira que "plus un Etat fait de commerce avec l'Espagne, plus il possède d'argent". N'empêche qu'ils ont la coupe du monde pour 4 ans.
Je pensais m'arrêter à Potosi et puis finalement je reste 1h, le temps de me coller dans un "taxi" collectif avec quelques ouvriers du bâtiment rentrant à Sucre pour le "fin de semana". Discussion animée à base de: "comment s'appelle la capitale de la France et quelle langue qu'on y parle?"...
Revenons-en à nos moutons noirs...Ce qu'il reste aujourd'hui de Potosi c'est une mine qui n'est plus considérée comme exploitable mais qui continue de l'être par les mineurs réunis en coopérative. En 8h de bus depuis Uyuni, j'ai eu le temps de réfléchir et j'ai pas spécialement envie d'y faire du tourisme. Je le sens pas. Et le principal motif d'un stop à Potosi, c'est justement de visiter la mine déconfite.
Les mineurs se réunissent très tôt le matin, se bourrent les gencives de feuilles cocas pendant des heures pour couper la faim, font des offrandes au Tio, le Dieu-Diable gardien et protecteur de la mine, dans l'espoir de revoir le jour quelques heures plus tard, plongent dans le ventre du diable à près de 5000 mètres d'altitude et à coup de bâtons de dynamites, ils vont creuser la montagne et à coup d'alcool à 96 degrés, ils vont oublier la souffrance dans des tunnels sans oxygène, saturés de poussières toxiques et chauffés à plus de 30 degrés. (C'est une phrase haletante pour des poumons en bonne santé). Heureusement, il y a le week end pour se détendre. Le vendredi, ils revendent ce qu'ils ont gagné sur la montagne. Le samedi, ils se défoncent la tête car ils savent au moins une chose d'instinct, c'est qu'il faut mieux se tuer le cerveau que d'avoir conscience de devoir mourir pour vivre. Le dimanche soir, ils leur restent de la poussière dans les poches. Don le Lundi, ils 'not plus qu'à reprendre leurs places dans ce Germinal 2010.
Dans les années 90, quand les mines étaient encore des entreprises, l'un des mineurs est passé dans le journal pour la seule raison qu'il fut le premier à toucher une pension. Aucun n'avait jusqu'alors atteint l'âge de la retraite.
Un espagnol croisé plus loin en Bolivie m'a montré une photo d'un enfant de 14 ans poussant un chariot à bout de ses petits bras. Une fois rentrée dans la mine, il leur restera guère 20 à 25 ans à vivre. Quand j'aurais atteint la moitié de ma vie, le gosse de 14 ans que j'ai vu en photo sera probablement déjà mort s'il ne finit pas enterré vivant dans la montagne la semaine prochaine. J'aimerais bien savoir ce qu'il pense de l'expresssion "vale un Potosi"... il ne doit probablement pas savoir que sa montagne a enrichie toute l'Europe pour bâtir de somptueux palais.
Si les gens de Potosi bloquent les touristes aujourd'hui, c'est certainement pour que l'on parle de leur condition et que le gouvernement de La Paz se sente obligé de lever le petit doigt ("el chiquitito dedo"). Sans prétendre à un travail exhaustif, j'ai survolé quelques articles en gros et en gras en première page de sites d'informations dont je tairai le nom. Bizarrement mais sans surprise, j'ai surtout vu le décompte du nombre de gringos en bermudas bloqués à Potosi, avec l'indispensable découpage par nationalité puisque qu'il est intéressant d'apprendre qu'il y a 3 belges en Bolivie (et je salue nos amis Belges). Je suis prêt à contribuer et j'ai déjà une ébauche: "Bernard avait prévu 15 jours de congés, il ne lui reste que 3 slips propres et ce blocus qui s'éternise". J'ironise et j'aimerais certainement pas être à la place de ces touristes mais entre ce que je lis sur internet et ce que je vois ici, j'aimerais encore moins être pris en otage par la misère et ça mériterait bien quelques lignes. A bon entendeur, salaud !!!
Comme je disais donc, direction Sucre, capitale constitutionnelle de la Bolivie, reléguée au simple rang de plus belle ville du pays puisque La Paz est la capitale de facto.
Je passe bien 4 jours à pas faire grand chose, Sucre est 2500m d'altitude, les températures sont clémentes (toutefois un peu en dessous des normales saisonnières) et je peux crapahuter dans les rues en pentes sans cracher mes poumons... J'hésite à me lancer dans un trekk mais je serais contraint de passer par une agence: pas de véritables chemins clairs et indiqués, hébergement aléatoire (toc toc, je peux dormir dans la grange?), les populations ne parlent forcément espagnol et ceux qui le parlent ne sont pas forcément enclin à prêter main forte au petit blanc perdu dans la nature. J'hésite parce que les agences de Sucre se sucrent franchement le bec sur le portefeuille du gringo.
Je vais finalement trouver la réponse au fonds de mes tripes puis qu'à linstant de me jeter à l'eau, je vais connaître un léger coup de calcaire. La faute à une pseudo merguez frelatée ou bien à une belle gorgée d'eau du robinet... l'accident bête, je me lave les dents, j'ai soif, j'oublie que je suis pas en vacances à Evian et glou et glou et glou... j'ai mal au bide et en début de soirée, je suis tout patraque, me voilà alité... je me sens fievreux... j'entends frapper à la porte, j'ouvre personne, je me recouche, je lève les yeux, aaaaaaaaaaaaaah au dessus de ma fenêtre, une tête de mort me fixe !!!!
Maaaaaalheur sur ma tête, pour les avoir maudit, j'ai été kidnappé par les Jalq'a au moment d'ouvrir la porte et maintenant je bous dans une marmite au fonds du cratère de Maragua avec du fenouil plein les aisselles !!! Aaaaaaaaaah c'est une fièvre délirante, je me meure, faites venir mon médecin et mes apothicaires et à moi la gaaaaaaaaaaaaaarde !!!
Heureusement le lendemain matin tout va bien, mon corps n'a fait qu'appeler ce que mon esprit réclame depuis quelques temps. Tous les jours depuis le début de mon voyage, j'ai eu froid et aussi très froid. Je vais couper la route classique et faire une échappée dans l'Est de la Bolivie, histoire d'étrenner le petit short, l'antimoustique et me sentir un peu tropicaaaaal.
On se tient au jus.